Dans les centres-villes suisses, aux heures de pointe, le trafic est proche de la paralysie. Quant à nos routes nationales, la circulation continue d’y progresser de manière irréfrénée, indiquait récemment l’Office fédéral des routes (OFROU): entre 2018 et 2019, 100 millions de véhicules-kilomètres supplémentaires ont été enregistrés – pour un total aujourd’hui de 27.8 milliards de véhicules-kilomètres. Parallèlement à cela, les spécialistes estiment que le volume de transport de marchandises va augmenter de 37% d’ici 2040 par rapport à l’année 2010. Une question se pose donc: la solution se trouve-t-elle sous terre où, théoriquement, la place est illimitée?
Transporter les marchandises par métro de Genève à Saint-Gall
«Cargo Sous Terrain (CST) compte parmi les projets de transport les plus innovants actuellement», écrit David Vonplon sur nzz.ch. Puis il précise: «Il est prévu de construire, au cours des vingt-cinq prochaines années, un système de transport de marchandises souterrain qui traversera toute la Suisse et délestera dans d’importantes proportions les autoroutes et les voies ferroviaires.» Des véhicules autonomes transporteront palettes et conteneurs des centres logistiques dans les villes, le tout fonctionnant à 100% avec des énergies renouvelables et sans émissions de CO2. Ce projet de 33 milliards est porté par un consortium privé comptant de puissantes entreprises comme Coop, Migros, Swisscom, La Poste, CFF, Mobiliar et Panalpina. Le soutien politique du métro pour marchandises est lui aussi assuré: en janvier 2020, le Conseil fédéral a décidé de créer la base légale pour CST. La feuille de route du projet est ambitieuse: la première section reliant Zurich et Härkingen devrait entrer en service dans dix ans déjà . Il existe en outre un projet similaire en Allemagne: CargoCap, un «système d’envoi de marchandises pneumatique».
«Le transport de voyageurs est encore loin d’être d’actualité»
Tandis que, dans le domaine des marchandises, il existe des visions, que des bailleurs de fonds ont été trouvés et des bases légales mises en place, le développement du transport voyageurs souterrain «est encore loin d’être d’actualité», déclarait Tobias Arnold, responsable du domaine transport et espace au sein de l’entreprise de conseil lucernoise Interface. «Déplacer les marchandises dans le sous-sol est beaucoup plus simple, mais aussi mieux accepté que faire la même chose avec des personnes», ajoute le spécialiste des transports. Le transport voyageurs individuel et souterrain est «une tout autre histoire» que le métro dans le cadre des transports publics. En dehors des aspects techniques et financiers, le problème est que les gens ne veulent pas faire des voyages prolongés dans le noir.
Une durabilité douteuse
«Si, dans le cadre des réflexions sur la durabilité, on tient compte de la dimension économique, le trafic voyageurs souterrain ne se révèle pas vraiment une bonne idée», ajoute Ueli Häfeli, spécialiste des transports chez Interface. La construction de tunnels est un gouffre financier et maîtriser le sous-sol implique des facteurs de risque non planifiables comme la pénétration de nouvelles couches de sédiments et la retenue d’eau, dans les zones habitées notamment. En outre, la question de la limite entre propriété privée et propriété publique dans le sous-sol n’est pas résolue. «En revanche, je pense qu’il existe un potentiel sous terre en matière de stationnement», déclare Ueli Häfeli. Puis il précise: «Les piétons et la circulation à vélo en haut, les places de parc en bas.»
Des parcs de stationnement en sous-sol et des autoroutes couvertes
Les zones de stationnement prennent beaucoup de place et doivent être considérées comme des espaces urbains à part entière. L’idée de les déplacer davantage sous terre n’est pas nouvelle, mais peut encore être considérablement développée. La ville de Zurich joue un rôle de pionnier en matière de régulation: son compromis «historique» sur le stationnement en centre-ville de 1996 stipule que chaque place de parc supprimée à la surface doit être compensée par une autre en sous-sol. En 2019, ce compromis a été renforcé par l’atténuation de l’obligation de compensation; désormais, les places de parc à la surface peuvent être supprimées jusqu’à 10% en deçà du niveau de 1990. De vastes toitures résultant de la mise en tunnel des autoroutes constitueraient une autre approche permettant de gagner des espaces verts et des espaces de détente. C’est par exemple ce que demande aujourd’hui la ville de Kriens dans le cadre du projet de contournement autoroutier de Lucerne.
Proximité et bonnes liaisons
Quels que soient les flux de circulation qui seront déplacés dans le sous-sol dans le futur: une connexion aussi directe que possible avec l’infrastructure de circulation à la surface est indispensable. «Il serait souhaitable en outre qu’une vision des transports d’avenir repose aussi sur l’idée d’un mode de vie où l’on a moins besoin de se déplacer. Une nouvelle manière d’envisager le monde sous forme de quartiers pour ainsi dire, où il ne serait plus nécessaire de se déplacer sur de longues distances pour satisfaire ses besoins», conclut le spécialiste des transports Ueli Häfeli.
Il sera sans aucun doute intéressant de voir comment les choses vont évoluer.
Sources: entre autres cst.ch (Cargo Sous Terrain), energieschweiz.ch/komo
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