Rebecca Karbaumer se sent particulièrement bien en salopette et en bottes en caoutchouc. Tandis que d’autres ont mis à profit le confinement du coronavirus pour se mettre au yoga ou faire du pain au levain, elle a suivi des études par correspondance d’aménagement paysager et se consacre à la biodiversité, afin d’offrir aux abeilles pollinisatrices sauvages de meilleurs espaces de vie. Que ce soit dans son propre jardin ou dans le cadre du «guerilla gardening», la jeune femme de 37 ans est attirée par tout ce qui n’est pas conventionnel.
En mai 2022, les délégués de Mobility Société Coopérative ont élu Rebecca Karbaumer comme nouvelle membre du conseil d’administration de l’entreprise. Lors du vote, elle était connectée en vidéo, car elle vit et travaille à Brême en tant que coordinatrice de projet pour la mobilité durable et ne pouvait pas être présente. Au même moment, le congrès un peu particulier qu’elle avait contribué à organiser se tenait en présentiel. Son titre: Shared Mobility Rocks!

Rebecca, les thèmes liés à la mobilité ont souvent un côté très sage. Comment est venue l’idée d’organiser un colloque intitulé «Shared Mobility Rocks»?
L’idée venait initialement de collègues belges avec qui j’ai collaboré dans le cadre d’un projet de l’Union européenne. Le message était que les congrès n’ont pas besoin d’être rébarbatifs pour être fructueux. Au contraire, si on présente le sujet de manière ludique et décalée, on retient davantage de choses en fin de compte. L’événement était conçu comme un concert de rock et a rencontré un franc succès. Des participants venus de plus de 27 pays et des quatre continents ont fait le déplacement lors de la quatrième édition du colloque. En plus du contenu, beaucoup sont venus pour l’ambiance.
Pour un tel événement, il faut la bande-son qui convient. Cite-nous tes trois titres de rock préférés.
Ouh là , dans le privé, j’écoute plutôt de la musique classique et du jazz, mais j’ai bien sûr quelques chansons rock préférées:
- Mr. Blue Sky d’Electric Light Orchestra
- The Tell-Tale Heart de The Alan Parsons Project
- Don’t Fear the Reaper de Blue Öyster Cult
Faut-il des approches non conventionnelles comme cet événement pour rendre le thème de la mobilité partagée plus accessible au grand public?
J’en pense qu’il faut avoir l’audace de ne pas trop se prendre au sérieux. On peut être compétent tout en laissant libre cours à sa passion. Pour moi – et pour beaucoup d’autres –, le travail dans la mobilité durable est une mission de vie qui me fait plaisir. En fin de compte, on touche certainement davantage de personnes si on ose exprimer sa joie pour un sujet donné.
Ce qui fait plaisir reste dans les esprits?
Exactement. Prenons l’exemple des publicités pour les voitures: quasiment tout passe par les émotions. Dans la branche de la mobilité, pourquoi n’évoquons-nous pas plus souvent le sentiment de liberté et la joie de la mobilité sans voiture? Soyons honnêtes, au quotidien, peu de personnes basent leurs décisions en matière de mobilité sur les émissions de CO2 ou sur des arguments de coûts, même si ces aspects sont cités comme des points «importants» dans les sondages par la majorité des personnes interrogées. La priorité est avant tout donnée à ce qui est pratique et confortable.
Comment es-tu parvenue au monde de la mobilité partagée?
J’ai toujours eu une vision concrète de ce que je souhaitais faire de ma vie: protéger la nature et ses ressources. C’est la raison pour laquelle j’ai d’abord étudié les sciences de l’environnement. Dans le cadre de mon activité de planification régionale aux États-Unis, j’ai rapidement appris à identifier ce qui était durable et ce qui ne l’était pas, y compris pour ce qui est de la communication. Un mode de vie durable doit être sans effort et accessible à tous. On peut notamment y parvenir en organisant les villes en conséquence. J’ai atterri pour la première fois par hasard dans la branche de la mobilité, car un poste sur les systèmes de transport intelligents se libérait à Brême. C’est ainsi que j’ai trouvé ma place au niveau professionnel dans la mobilité durable.
Quelles sont tes tâches?
En tant que consultante pour la mobilité partagée, j’ai plusieurs casquettes. Je coordonne des projets de la communauté européenne, souvent chapeautés à Brême. Il est aussi beaucoup question de l’intégration de la mobilité durable dans les nouveaux projets de construction. J’ai enfin un important travail de communication à accomplir.
Venons-en à Mobility. Comment as-tu découvert l’entreprise?
Dans la branche, on connaît bien sûr Mobility comme l’une des premières prestataires de car sharing. J’ai pu mieux connaître l’entreprise par mes contacts personnels dès 2019. L’approche de la vaste flotte disponible dans toute la Suisse ou encore l’offre One-Way sont absolument formidables! Je suis donc ravie de mettre concrètement un pied chez Mobility.
Qu’est-ce qui t’a traversé l’esprit lors de ton élection au conseil d’administration?
Je me sentais extrêmement honorée et fière du fait que les délégués m’accordent leur confiance, même si je ne suis pas suisse et que je ne vis pas sur place.
Quels sont les objectifs que tu t’es fixés?
Je veux tout d’abord encore mieux appréhender l’entreprise, la société coopérative et les objectifs de la direction. Mon intention n’est pas de réinventer la roue, d’autant plus que Mobility a déjà un grand succès. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’ai voulu rejoindre Mobility, au pays où le car sharing est né.
Et ensuite?
J’aime apporter de nouvelles perspectives et de nouvelles idées. La Suisse devance largement l’Allemagne en matière de car sharing. Toutefois, le potentiel n’est pas encore entièrement exploité. Il faut s’adresser aux personnes qui n’ont pas encore recours au car sharing.
Comment, par exemple?
Nous voulons davantage cibler les besoins féminins. Et je ne le dis pas uniquement parce que je suis une femme. Le fait est que ce sont surtout des hommes qui ont aujourd’hui recours aux offres de mobilité partagée. Les femmes constituent donc un groupe cible majeur qui est encore trop peu abordé. Il existe à cet égard un lien important avec la psychologie comportementale et économique. C’est dans ce domaine que je peux et que je souhaite m’impliquer à l’avenir.
Puisque nous parlons des femmes: en 2021, tu as été nommée et présentée par l’initiative TUMI (Transformative Urban Mobility Initiativ) comme «Remarkable Woman in Transport». Qu’est-ce que cela signifie pour toi? Et comment parvenir à davantage de diversi
C’était pour moi un immense honneur d’être nommée comme l’une des «Remarkable Women in Transport» – notamment aux côtés de la maire de Paris! C’est une bonne chose que les femmes de tous les domaines de la branche reçoivent plus d’attention grâce à cette initiative. En Europe, la part des femmes dans le secteur des transports n’est que de 22%. Il faut que cela change, non pas parce que les planificateurs masculins ne sont pas compétents, mais plutôt parce que nos expériences quotidiennes marquent inconsciemment notre travail. C’est précisément la raison pour laquelle une diversité importante – que ce soit en termes de sexe, d’ethnicité ou d’âge – est essentielle. Ce n’est qu’ainsi qu’il sera possible de planifier des projets pour un large public de citoyennes et citoyens. Au cours des dernières années, on a peu à peu reconnu l’importance du sujet. Toutefois, lors des congrès par exemple, les sessions correspondantes ne se déroulent qu’en marge de l’événement, alors que le sujet devrait faire partie du programme principal.
Pour terminer, la question incontournable: comment te déplaces-tu à titre privé?
Principalement à pied et à vélo, parfois avec les transports publics de proximité et longue distance. Et bien sûr, j’utilise de temps à autre l’offre locale de car sharing si j’ai besoin d’une voiture. J’apprécie tous les avantages de la mobilité partagée. S’il n’est pas du tout possible de faire autrement, il m’arrive aussi de prendre l’avion. Toutefois, pour les réunions du conseil d’administration de Rotkreuz, je prendrai surtout le train de nuit.
Portrait
Rebecca Karbaumer est diplômée en sciences de l’environnement (Bachelor of Science, University of Missouri-Kansas City) et en géographie (Master en développement urbain et régional, Université de Brême). Depuis janvier 2013, elle est chargée de la mobilité durable auprès de la ville de Brême et coordonne des projets de transport européens et locaux. Elle a par ailleurs co-écrit un ouvrage sur la mobilité partagée (How to Make Shared Mobility Rock: A Planner’s Guide to the Shared Mobility Galaxy), qui sert de référence aux planificateurs et responsables politiques au niveau communal.

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